Toshirô Mifune
Ce fils de missionnaires envoyés en
Chine, pays dans lequel il est né et a grandit, a étudié la photographie
avant de s'engager dans l'armée de l'air japonaise pendant la Seconde
Guerre Mondiale. Démobilisé en septembre 1945, sans famille ni amis dans
un pays, paradoxalement, étranger, il essaie de trouver un emploi de
photographe à Tokyo ; mais a-t-on besoin d'images dans un pays dévasté
et ruiné ? Il postule, sans succès, au poste, convoité par plusieurs
centaines de candidats, d'assistant cameraman pour un studio de cinéma.
En 1946, il participe à un entretien organisé par les studios Toho et
destiné à recruter de nouveaux visages. Il est en compétition avec plus
de quatre milles aspirants acteurs. Lui ne souhaite pas être comédien,
il veut juste trouver un vrai travail. Son arrogance et son emportement
face à des questions qui lui semblent stupides compromettent ses chances
d'être retenu par le casting. Mais deux personnes présentes lui
vaudront d'être à nouveau interviewé et finalement engagé avec soixante
autres candidats masculins : Kajiro Yamamoto, l'un des directeurs des
studios et Akira Kurosawa
. Peu de temps après, il incarne Eijima, un voleur de banque, dans le premier (deuxième selon les sources) de ses plus de 150 films, Ginrei no hate de Senkichi Taniguchi, sur un scénario de Kurosawa
. Deux films plus tard, Toshirô Mifune
est une star. Il devient l'acteur de presque tous les films (seize sur dix-sept, seul Ikiru
manque à l'appel) de Kurosawa
entre 1948 et 1965, de Yoidore tenshi
à Akahige
.
Dès son rôle de Matsunaga, un jeune gangster dans Yoidore tenshi,
Mifune
vole la vedette à son rival plus âgé et plus expérimenté Takashi Shimura
(avec lequel il tournera, pourtant, plus de 50 films). Kurosawa
est même obligé de reprendre le scénario pour donner plus d'étoffe et
d'importance à son personnage. Et l'on s'apercevra rapidement qu'il sait
tout jouer : l'héroïsme, la folie, la comédie, les policiers et les
truands, les hommes d'affaires... dans le Japon médiéval ou
contemporain, il est crédible et impose son jeu expressif et nerveux.
Sans jamais le ménager, Kurosawa
lui "taille un costume" sur mesure dans toutes les fresques
cinématographiques qu'il réalise à cette époque. Mais c'est dans le rôle
classique de Tateyaku du Kabuki qu'il est le plus convaincant,
idéalisation du personnage du samouraï, doté d'une noblesse et d'une
force aussi bien physique que morale.
Après sa collaboration avec Kurosawa
(il avouera, plus tard, qu'il n'y a rien dont il soit fier en dehors d'elle) qui lui valurent les seules récompenses internationales significatives de sa carrière, deux "Coupe Volpi" du Festival de Venise en 1961 et 1965 pour Yojimbo
et Akahige,
il tourne au Japon plusieurs films d'action ou de guerre dans lesquels
il n'est pas toujours tête d'affiche, dont l'intéressant Dai-bosatsu tôge
de Kihachi Okamoto
(1966) dans lequel il est un maître de l'art du sabre aux côtés de son cadet Tatsuya Nakadai
qui, étrangement, remplacera, dans une certaine mesure, Mifune
auprès de Kurosawa
ou Jôi-uchi : Hairyô tsuma shimatsu
de Masaki Kobayashi
en 1967, avec le même Nakadai
mais, cette fois, dans le rôle principal.
C'est John Frankenheimer
qui l'engage pour son premier film hors du Japon, Grand Prix,
en 1966, pour lequel il apprend l'anglais. Il y est un directeur d'une
écurie de voitures de course. Sa voix, présente pendant la première du
film, sera, dans la copie commerciale, doublée comme dans tous les
autres films américains dans lesquels il tournera. Il est le capitaine Tsuruhiko Kuroda, pilote japonais perdu sur une île déserte, affrontant un aviateur américain, (Lee Marvin
), dans Hell in the Pacific
de John Boorman
. Il est cet étonnant samouraï, garde du corps de l'ambassadeur du Japon, dans le western européen Soleil rouge
de Terence Young
avec Charles Bronson,
Ursula Andress
et Alain Delon
. Il devient ambassadeur aux côtés de David Niven,
officier de la marine japonaise dans Midway
et 1941
ou Shogun
dans la série télévisée de dix épisodes du même nom. Mais celui qui a failli être Obi Wan Kenobi à la place d'Alec Guinness,
qui s'est essayé à la réalisation dans un unique film, restera l'inoubliable Kikuchiyo de Shichinin no samurai
et le plus grand acteur japonais du XXe siècle. AlHolg
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